Le flegme des Anglais durant les événements de l’Inde a quelque chose d’autant plus admirable que l’on se demande toujours si c’est confiance en eux-mêmes ou insensibilité. Les soulèvements de leur Empire font encore moins d’effet sur eux que sur la légèreté de notre Parlement l’affaire de Yen-Bay.
Gandhi, ascète, mystique, théosophe, apôtre de la « non-violence », déchaîne l’émeute. Il appelle le fer et le feu. Si l’Inde conquiert son indépendance, ce ne sera pas par l’apostolat de la douceur. Il est vrai sous tous les cieux que violenti rapiunt illud. Et le martyre accompagne la foi. Gandhi fera pénitence et se macérera davantage pour le sang versé. Mais il est versé et il coule.
Quant à Ramsay Mac Donald, religionnaire et pacifiste, on ne voit pas qu’il ait interdit aux autorités britanniques de tirer sur la foule et de réprimer à coups de mitrailleuses les rébellions. On n’a pas entendu non plus les indignations de M. Kenworthy ni de quelques autres ardélions de Westminster.
Ramsay Mac Donald fait comme Gladstone que ses principes humanitaires n’avaient pas empêché de bombarder Alexandrie. Et le Labour Party ne blâme pas l’usage des armes à Peshawar et autres lieux. Il ne blâme pas davantage l’activité de l’Intelligence Service.
Car si l’Angleterre garde l’Inde ce sera par la force sans doute mais surtout par les moyens de la politique, la plus vieille, la plus secrète, la plus immorale dans le sens où le puritanisme prend ici la moralité. L’Angleterre continuera à dominer les Indes en opposant les races, les religions et les castes, les musulmans aux brahmanistes, les parias à leurs oppresseurs, les princes et les radjahs aux foules nationalistes, les Sikhs aux Hindous. Ce sont les éléments de son règne et ils ressortissent à la plus pure réaction.
Le contraste et la ressemblance de Mac Donald et de Gandhi nous hantent. Ils se tiennent dans la sphère où la haute tragédie rejoint la grande comédie humaine, sur les frontières intérieures de l’illumination et de l’hypocrisie, tandis que les masses obscures paient par des vies ces jeux du ciel et de la terre.
L’Action française, 26 avril 1930.