La presse britannique commente favorablement l’accord du 17 septembre sur la Syrie. Elle y voit la promesse d’une collaboration franco-anglaise dans ces régions où, selon l’expression du Times, il y a « de l’ouvrage et de la place pour tout le monde ». Et le même journal convient galamment qu’ « après tout, Syrie, Palestine, Arabie et Mésopotamie sont en réalité un seul et même pays avec des intérêts communs ».
La Syrie étant une unité, on s’explique mal l’insistance avec laquelle le Times revient sur l’État juif de Palestine et les frontières stratégiques nécessaires à cet État prétendu. Le sionisme est une des fautes lourdes de l’Angleterre. Les populations tant chrétiennes que musulmanes de la Palestine, qui sont la majorité, en ont horreur. Les juifs intelligents d’Europe n’en veulent pas, d’abord parce qu’ils savent que l’entreprise sioniste est vouée à l’échec, et ils n’aiment pas ce qui échoue, ensuite parce que la formation d’un État juif impliquerait une nationalité juive et renforcerait l’idée antisémite dans les pays européens.
Le Times n’en persiste pas moins à chercher les moyens de réaliser « l’idéal biblique d’un peuple uni de Dan à Berséba ». La Bible a bon dos dans cette affaire. Car enfin, l’Ancien Testament n’a pas connu le canal de Suez. Et comme c’est, de toute évidence, la sécurité du canal et les routes de l’Inde qui intéressent nos Alliés, il y aurait profit, pour eux comme pour nous, à le dire franchement.
Tout en reconnaissant l’unité de la Syrie, tout en parlant de collaboration franco‑anglaise, le Times se préoccupe surtout, comme nous venons de l’indiquer, des frontières stratégiques de la Palestine. Il remonte à l’histoire du peuple d’Israël pour chercher à définir quelles doivent être, au Nord et à l’Est, les limites de l’évacuation par les troupes britanniques. Nous aimons mieux dire tout de suite au Times que personne ne prend au sérieux ce zèle pour la Palestine biblique. Il ne s’agit plus de protéger le royaume d’Israël contre le roi Salmanasar, à moins que le roi Salmanasar ne s’incarne dans l’émir Fayçal auquel les Anglais, et c’est encore une de leurs erreurs, ne renoncent pas.
L’Angleterre veut une couverture pour l’Égypte. C’est naturel. C’est même légitime. Mais alors, qu’elle laisse tranquille la tribu de Juda, Salomon, Salmanasar et la Bible, et qu’elle parle des affaires sérieuses.
L’Action française, 22 septembre 1919.