L’histoire des assurances sociales est comme celle du petit navire qui recommence pour peu que l’auditeur s’amuse. Mais elle ne peut être amusante, et même extraordinaire, qu’à la condition d’être dite succinctement.
Nous sommes très en retard pour les assurances sociales. D’autres pays les ont eues avant nous. Elles ne fonctionnent pas encore en France, tandis qu’elles sont appliquées en Allemagne, en Angleterre et ailleurs. C’est précisément parce qu’on a rougi de ne pas avoir encore donné ce progrès à la démocratie française qu’on a, un beau jour, forgé la loi devant laquelle on recule aujourd’hui parce qu’elle est une espèce de monstre.
Molière l’a dit il y a longtemps en vers qui sont devenus proverbes. « Quand sur une personne on prétend se régler, c’est par ses beaux côtés qu’il lui faut ressembler, » Donc, disait Molière, n’essayez pas de tousser et de cracher comme elle. Mais notre loi des assurances sociales tousse et crache comme celle des Anglais et des Allemands, et c’est pourquoi elle est malade avant même d’avoir marché.
En Allemagne, en Angleterre, les assurances sociales prêtent à des abus désastreux. Elles constituent une charge écrasante pour le budget, car, bien entendu, c’est sur le budget qu’elles retombent. On a fait, surtout en Allemagne, des peintures très exactes des effets qu’elles produisent non seulement au point de vue financier, mais au point de vue moral et psychologique, sans compter l’avilissement de la profession médicale, qui a des conséquences graves pour la santé publique qu’on cherchait justement à protéger.
Il semble donc qu’en prenant modèle sur les autres on aurait dû aussi s’instruire de leurs expériences et ne pas les imiter jusque dans les erreurs qu’ils reconnaissent eux-mêmes. Les copies serviles ne sont pas de bonnes copies. Elles demandent peut-être moins de peine mais elles ne donnent pas de bons résultats. Et il n’est pas très reluisant d’être toujours tellement à l’arrière-garde du progrès qu’on adopte la mode qui ne se porte déjà plus. Ne pourrions-nous pas faire de l’original ?
La Liberté, 17 juin 1929.