Le parti des lâcheurs

Qu’est-ce qu’un communiste ? Tout le monde sait que c’est un révolutionnaire, un ennemi de la société. Mais c’est un ennemi de toute la société telle qu’elle est, y compris la démocratie, le régime parlementaire et le suffrage universel.

Lorsque Lénine s’était emparé du pouvoir, un de ses premiers soins avait été d’envoyer une escouade de marins rouges à l’Assemblée de Moscou. Et l’assemblée kérenskyste s’était dissoute instantanément. Personne ne doute que si M. Cachin triomphait nos députés iraient prendre un bain prolongé dans la Seine. Quant au Sénat, personne n’y penserait, parce qu’il s’évanouirait tout seul.

Enfin, les communistes n’ont que haine et mépris pour les socialistes qu’ils appellent les valets du capital. Quant aux radicaux, ils les mettent au-dessous de rien.

Tout cela n’empêche pas que, le jour où M. Cachin et ses amis doivent aller en prison, ils sont défendus par M. Léon Blum et par M. Daladier.

C’est que les partis de gauche ont, depuis cinquante ans, un principe dont ils ne s’écartent jamais et qui est : « Pas d’ennemis à gauche. » Quand a-t-on vu les conservateurs et les modérés pratiquer le principe : « Pas d’ennemis à droite ? » Lorsqu’un royaliste est dans le cas de M. Cachin, ces messieurs s’abstiennent prudemment.

Et pourtant le royaliste soutient les mêmes causes qu’eux. Il ne veut pas détruire une société où M. Léon Blum et M. Daladier eux-mêmes ne se trouvent pas si mal. Il est du côté de l’ordre.

Mais les gens de gauche n’ont jamais peur du rouge, tandis que les gens de droite mettent leur drapeau dans leur poche, de crainte qu’on voie passer un bout de blanc. Comment s’étonner après cela que la victoire se refuse au parti des lâcheurs avec une si convaincante obstination ?

1928.