Staline et Trotsky

Ce qui se passe chez les Soviets commence à devenir intéressant. On annonce qu’en prenant le pouvoir les chefs bolcheviques s’étaient juré de ne jamais se combattre entre eux, de ne pas retomber dans les convulsions de la Révolution française, de ne pas s’exterminer comme les girondins, les dantonistes, les hébertistes et les robespierristes. Ils ont tenu parole dix ans, et c’est beaucoup. Mais quand a-t-on vu des hommes vivre éternellement d’accord à l’intérieur d’un parti, quel qu’il soit ?

Hors la loi ! La terrible formule de la Révolution française, sous laquelle Robespierre lui-même finit par succomber, menace Trotsky et Zinoviev. Staline et Rykov les ont dénoncés à la vindicte des organisations communistes comme Robespierre dénonçait les « enragés » aux organisations jacobines, avant d’être mis à son tour « hors la loi ».

Car on ne fait pas assez attention à ceci que Trotsky et Zinoviev accusent Staline et Rykov de modérantisme. Ils leur reprochent d’altérer les principes communistes sinon de les trahir. D’ailleurs, que Rykov et Staline transigent par nécessité d’argent, un communiqué de l’ambassade de l’U.R.S.S. à Paris, en date d’hier, en fournit la preuve. On y lit avec quelque surprise que « le pouvoir soviétique a toujours cru à la possibilité de la coexistence des deux mondes, capitaliste et socialiste, et même à la possibilité de leur collaboration économique ». En conséquence, les Soviets, qui avaient déjà cessé de repousser par système les concessions de richesses à exploiter par le capital étranger, ne se contentent plus de recevoir des propositions. Ils les appellent. Trotsky et Zinoviev n’ont donc pas tout à fait tort. Mais que feraient-ils à la place de Rykov et de Staline ? C’est toujours terrible quand on doit se demander : « Comment faire pour manger ? »

La Liberté, 13 novembre 1927.