On parle beaucoup, depuis quelques jours, d’instituer en France un comité semblable à ceux qui ont existé à Londres, à la fin de la guerre et après la guerre, et qui ont établi des programmes de restauration grâce auxquels la monnaie et les finances anglaises sont rapidement devenues saines et prospères. Voilà ce qu’on voudrait imiter ici. Mais comme toujours lorsqu’il s’agit de copier les Anglais, on peut répondre : « Si vous voulez que tout soit comme en Angleterre, voulez-vous aussi être entourés d’eau ? »
On réplique sans doute que les Anglais ont comme nous des élections et un Parlement. Cependant ils ne restent pas sourds aux avis de techniciens, qui sont consultés et obéis, même s’ils n’ont pas reçu l’onction élective. Il n’en est pas de même chez nous. Le jour ne paraît pas encore venu où la Chambre votera sans amendements un plan élaboré par une commission semblable à ce Comité Cunliffe, dont le président, qui lui a donné son nom, était lord et gouverneur de la Banque d’Angleterre.
Les Anglais, qui ont des traditions et des notions financières, qui vivent de commerce et d’industrie, comprennent plus facilement que d’autres l’utilité des conseils techniques. Mais ce n’est pas tout. Une campagne comme celle qui a été menée chez eux avec succès contre le gaspillage et pour les économies ne se heurte pas aux mêmes obstacles et aux mêmes résistances que chez nous. L’Angleterre n’est pas étatisée comme nous le sommes. Elle n’a pas un corps de fonctionnaires surabondant qui est une force électorale et politique. Elle n’a pas ces monopoles d’État, ces services d’État, ces chemins de fer propriétés de l’État ou concessionnaires de l’État, dont le personnel forme une vaste armée rebelle aux coupes sombres et aux simples réductions. Sans doute, il y a déjà des nuages sur ce tableau de l’Angleterre. C’en est un que les concessions de M. Baldwin aux mineurs. Dans l’ensemble, le Parlement britannique est infiniment plus libre de ses mouvements que le nôtre. Il n’est pas asservi comme le nôtre aux seules masses électorales qui soient organisées.
C’est très bien de vouloir se régler sur les Anglais et, au lieu de tousser et de cracher comme eux, de s’efforcer à la ressemblance de leurs beaux côtés. Seulement, il faut pouvoir le faire. Il faut être en situation de le pouvoir, et les conditions d’une imitation complète et heureuse ne sont pas remplies en France.
L’Action française, 30 novembre 1925