Sous l’œil des banquiers anglo-saxons

Si puissants que soient les banquiers qui ont assumé le gouvernement du monde, ils ne peuvent se flatter de gagner à tous les coups. La politique est faite d’actions et de réactions qui s’engendrent les unes les autres. Le pacte de Locarno, préparé par le plan Dawes, a été un succès pour la finance anglo-axonne dans son œuvre de « restauration de l’Europe ». Mais, pour avoir Locarno, c’est‑à‑dire l’abandon de la Ruhr et du Rhin, il a fallu d’abord avoir le Cartel des gauches qui amène le socialisme destructeur de l’ordre et des finances. Alors la préoccupation des puissants banquiers change d’objet.

La sévérité avec laquelle la presse anglaise s’exprime sur nos affaires est un symptôme. On a le droit de penser que M. Baldwin et M. Chamberlain, revenus au pouvoir après avoir battu M. Mac Donald et le travaillisme, ont vu sans plaisir que les socialistes, français étaient sur le point de gouverner. Il est certain que l’expérience serait encore désastreuse pour ce parti de démocratie logique et consciente et qu’elle constituerait une leçon pour les autres pays. Mais le désastre atteindrait d’abord la France, puis l’équilibre économique de l’Europe et l’Angleterre par répercussion. Les journaux anglais s’alarment déjà de la chute du franc qui aura pour effet de fermer entièrement notre pays aux exportations britanniques et d’accroître le chômage en Grande‑Bretagne. Tous les arguments qui ont prévalu pour le relèvement de l’Allemagne nous seront bientôt appliqués. Mais l’Allemagne n’a pu se relever qu’à partir du jour où elle a éliminé la social-démocratie organisatrice du gaspillage et de la ruine par l’inflation. Alors ? La conclusion se tire toute seule. Si le ministère Herriot‑Blum a été tué dans l’œuf, c’est peut-être à Downing‑Street.

Il est très significatif que des journaux aussi différents que le Manchester Guardian et le Times insistent sur le caractère politique de la crise française. Ce langage est nouveau en Angleterre où, jusqu’à présent, on affectait de ne pas s’occuper de nos affaires intérieures. Dès maintenant, le Cartel des gauches et ses socialistes peuvent être assurés de l’hostilité de la finance anglo-saxonne dont ils étaient les favoris en 1924 lorsqu’il s’agissait d’abattre la politique de la Ruhr. Ils auront affaire à la grande puissance capitaliste qui a déjà montré sa force et son pouvoir.

Dans la situation présente, c’est un élément avec lequel il faut compter. Il est heureux que M. Mac Donald ne soit plus premier ministre et que les conservateurs anglais soient les maîtres avec une majorité presque sans exemple. Le moment est venu de se rappeler le mot de Thiers pendant la Commune : « La révolution sera vaincue. D’ailleurs, elle le sera toujours en Europe, à moins qu’il n’y ait un cabinet socialiste à Londres. »

L’Action française, 27 novembre 1925