Les idées politiques de Georges Clemenceau – dans ses dernières années, bien entendu – étaient celles d’un désenchanté. La République avait cessé de lui sembler belle. Il ne lui préférait pas la royauté, l’Empire encore moins, tous les régimes étant, pour lui, égaux en abjection.
A travers ses conversations, fidèlement transcrites par M. Jean Martet, on peut se faire le répertoire de ses dégoûts.
Il avait combattu Napoléon III et il en était fier. Ce règne continuait à lui paraître ignoble. Il est vrai qu’il ne parle pas de l’« autre ». M. Jean Martet n’a recueilli aucune opinion de Georges Clemenceau sur Napoléon Iᵉʳ. Il n’est pas douteux qu’elle eût été détestable. Quant à Louis XV, c’était, naturellement, une honte. Louis XV était mis au-dessous de Fallières, ce qui ne comportait, d’ailleurs, aucune intention flatteuse à l’égard de cet ancien président.
Il va sans dire que les hommes de la troisième publique (qu’il n’eût jamais consenti à appeler des hommes d’État) sont une collection de ganaches, de propres à rien et de pire encore. Il faut entendre Clemenceau parler de Thiers, de Gambetta, de Jules Ferry. C’est un jeu de massacre.
Alors, on s’imagine que l’apologiste du Bloc se réfugiait parmi les grands ancêtres, dans le sanctuaire de la Révolution. Comme il en était revenu ! Robespierre ? Danton ? « Quels piètres hommes que tout ça ! » Il y avait cru, mais dans sa jeunesse, sous l’influence de son père, qui, à force de lire Victor Hugo « et ces gens-là », en avait eu la tête tournée.
Finalement, tout le monde était « ces gens-là ». Qu’on nommât à Clemenceau n’importe qui, c’était un pauvre type, un fumiste, un phénomène. Démocratie ou monarchie, Doumergue ou Charles IX, « tout ça » des hommes, rien que des hommes, et il n’y en a pas un qui vaille mieux que les autres.
C’est probablement la raison pour laquelle Clemenceau, lorsqu’il gouvernait, n’était pas plus difficile dans le choix de ses ministres. À quoi bon ceux-ci plutôt que ceux-là ? Tous dans le même panier. Et les régimes aussi. Son avis catégorique était que le régime républicain devait finir, comme les autres, « dans la crotte ».
Le Père La Victoire nous y a laissés, heureux de quitter cette vallée de stupidité et d’ignominie. Nous nous débrouillerons comme nous pourrons.
Ref:Hrld